Psychanalyse : Comment sait-on qu'une thérapie est terminée?

On s’adresse généralement à un psy au moment où l’on n’y arrive plus, où il devient évident qu’on n’y arrivera pas tout seul. "C’est plus fort que moi !" veut dire "c’est plus fort que le moi", ce qui est la définition du symptôme au sens freudien. Il faut donc que "ça" cesse, parce que ce trouble, quelle que soit sa manifestation, nous empêche de vivre en paix, ou en accord avec l’idée que l’on se fait d’une vie sereine ou "réussie".

Les psys disent généralement que la thérapie ne guérit pas - c’est d’ailleurs pourquoi ils ne parlent pas de "patients" mais d’"analysants". De fait, on ne guérit pas de son inconscient dans la mesure où on est voué à en rester le sujet à travers ses manifestations les plus courantes que sont les rêves, les lapsus ou les actes manqués.

Pourtant, personne ne vient chez un psy sans l’espoir de "guérir". Il faut donc s’entendre dès le départ sur le champ des possibles, pour être en mesure de savoir quand vient le moment d’arrêter.

Si l’objectif d’une psychothérapie ou d'une analyse au sens freudien n’est pas de supprimer le symptôme qui dérange, il est d’en saisir le sens pour vivre en accord avec ce qui se présente comme un trouble mais qui est en réalité le visage que prend notre désir. Il s’agira donc, non pas de supprimer ce désir qui se présente de manière symptomatique, mais plutôt de dégager le tourment qui entoure ce désir. Et enfin, de pouvoir vivre en accord avec votre désir, d'avoir ce qu’on appelle « un désir décidé ».

Aspirer à une relation amoureuse épanouie ou au job de ses rêves, parexemple, n'est pas chose aisée pour un certain nombre de névrosés qui, pour différentes raisons, s’interdisent le bonheur d’être en couple ou le succès professionnel. Pourquoi ? Parce qu’un sujet névrosé, dans son for intérieur, ne veut pas ce qu’il désire. Il le désire et le redoute en même temps. L’échec qui s’opère dans la névrose remplit ainsi une fonction dans votre vie, qu’il faut savoir identifier pour mieux s’en détacher. 

Ne pas arriver à gagner d’argent, par exemple, alors que son père est un exemple de réussite et semble avoir tout fait pour nous inciter à faire de bonnes études et à avoir un métier lucratif, peut s’expliquer dans certains cas par un rapport culpabilisé de ce père à l’argent. Officiellement, vous devriez y arriver, mais dans les faits, quelque chose se joue, car votre inconscient s'y refuse.

Une thérapie au long cours vous conduit à explorer ces symptômes en opérant des liens - apparemment sans logique - avec votre histoire, celle de votre famille, vos rêves, les différentes expériences de la vie. 

Il y a généralement deux moments où l’analysant se demande si son analyse n’est pas terminée. 

Dans le premier cas, il a l’impression de répéter sans fin les mêmes choses, de buter toujours sur les mêmes conclusions, sans que cela change quoi que soit à sa vie. Ciblons deux réponses possibles à cette situation :

  • soit quelque chose est justement en train de se passer qui vous trouble au point de vouloir, inconsciemment, provoquer un électrochoc dans la relation à votre thérapeute. Souvent, on a peur de dire à son psy que l'on arrête ; l'arrêt de la thérapie est pensé en termes d’interdit et vécu comme une transgression. Il est alors intéressant d'aborder le sujet frontalement en séance pour dénouer ce qui se joue dans ce désir.
  • soit quelque chose ne se passe plus ; parfois la confiance en la capacité de son thérapeute à amener son analysant à bon port est rompue. Il est alors envisageable de changer de thérapeute, pour repartir éventuellement sur de nouvelles bases – même si tout le travail accompli jusque-là reste un acquis précieux pour la poursuite de l'analyse. 

Le deuxième cas est celui où l’on sent que les choses se débloquent d’elles-mêmes. Le processus de la thérapie a enfin payé : vous vous sentez en paix avec vous-mêmes et avec les autres, vous ne ruminez plus pendant des heures, vous vivez d’éventuels échecs comme des étapes "normales" de la vie, vous n’êtes plus agressif envers vous-mêmes ou envers les autres de manière impulsive et/ou culpabilisée, tout simplement votre symptôme a disparu et vous ne vous sentez ni vide ni déçu pour autant.

Vient alors le moment de décider ensemble, dans le cadre d'une discussion sereine, entre adultes, que c’est terminé.